Bonjour Michel,
-Vous nous présentez 14 tableaux très expressionnistes, on vous savait fasciné par l’éternel féminin et on vous découvre féministe, quel a été l’élément déclencheur de la série « le chemin « de croix » des dames ?
J'ai toujours été féministe et les commentaires de la récente et médiatique affaire m'encouragent à l'être encore plus ou mieux... C'est à l'occasion des obsèques d'une vieille amie que, regardant le chemin de croix d'une petite église du Santerre en Picardie j'ai décidé de réaliser 14 toiles - ou stations - sur les avanies faites aux femmes. Sur Facebook j'ai fait des propositions de tableaux, de sujets et demandé aux femmes leurs avis. Ainsi ai-je écarté l'accouchement de ce chemin de croix des femmes car elles m'ont majoritairement dit que la mise au monde d'un enfant ne pouvait être classée dans les évènements négatifs... Pour l'anecdote, ma compagne Dany m'ayant demandé comment je voyais un chemin de croix spécifique des hommes, après réflexion je ne voyais qu'un sujet possible : leur bite. Certes la misère, la guerre, la violence touchent les deux sexes mais je pense que les femmes supportent davantage.
-Cette série a eu un très bon accueil de la part des médias locaux, sur le Net ainsi que par le public ayant eu la primeur de votre travail, comment expliquez-vous cet engouement ?
Les médias locaux à l'occasion de l'expo au Château des Lumières se font pour le moment discrets et le public aussi d'ailleurs... J'ai testé ces peintures sur le Net et lors d'une expo d'art amateur chez moi, à Ault. C'est une peinture qui tout à la fois touche, émeut, attire et révulse. On est loin des bouquets de roses, des bateaux de pêche et du paysage bucoloque ou de la nature morte classique...
-Les artistes ont toujours eu pour vocation de montrer à la société ce qu’elle voit pas ou ne veut pas voir, concernant cette série, cette démarche pour vous était-elle une évidence dans votre parcours artistique?
J'ignore s'il s'agit d'une vocation à proprement parler. C'est vrai que j'ai longtemps pratiqué une peinture expressionniste dite engagée. Puis, n'ayant plus d'images mentales à jeter sur la toile, j'ai renoncé à cette forme-là pour me concentrer sur des nus et des portraits érotiques. Paradoxalement, cette série du Chemin (de croix) des Dames est venue comme une respiration expressionniste où j'ai pu me faire plaisir techniquement n'étant plus contraint à la ressemblance, à la joliesse... J'ai retrouvé un bonheur de peindre. Quelqu'un me posait la question : comment peut-on peindre une lapidation ? Une lapidation sur une toile, comme dans toute représentation artistique est d'abord un problème technique, comme n'importe quel autre sujet. Comme toujours, je prévoyais de faire sobre, monocolore et c'est évidemment devenu une imagerie à la Clovis Trouille, une sorte de chromo de baraque foraine. Je revendique un certain mauvais goût. Il fait partie de moi. J'essaie de compenser dans la vie par une sorte d'élégance (provocatrice toujours un peu !) dans les rapports humains et amoureux.
-Cette obsession voir cette monomanie de ne peindre que des femmes, est-ce une thérapie pour vous, une déclaration d’amour voir la volonté féroce de séduire toujours et encore ?
C'est tout cela à la fois, cher ami ! Je dis toujours : sous cette apparence d'Orson Welles se cache une Marilyn fragile. Comme dirait Arno : je me sens un peu gouine et puis la chanson de Renaud : En cloque, m'émeut aux larmes. Bon. Je ne vais pas ici reprendre 4 années de psychanalyse et 2 années de psychothérapie. Ce que je sais c'est que la peinture m'a peut-être sauvé... Maintenant, quand je vois l'incroyable courage des femmes, au quotidien, leur tenacité, leur engagement - j'ai travaillé avec des femmes, je sais qu'elles sont fiables, d'un dévouement à tomber - quand je vois le rôle énorme qu'elles ont dans les activités culturelles où elles représentent plus de 60 % du public, de l'animation, de l'administration, de la gestion, etc. je ne peux qu'être admiratif et je le dis AMOUREUX. Il n'y a pas un festival, une expo, un musée, un spectacle qui ne doivent son succès, sa renommée aux femmes. Elles sont essentielles à la vie culturelle et à la VIE tout court. Les peuples qui condamnent les femmes se condamnent nécessairement à l'autodestruction. On va s'apercevoir du rôle des femmes dans les révolutions "arabes" présentes et à venir.
-Qu’aimeriez-vous que l’on retienne de votre œuvre et de l’homme en particulier ?
On retiendra ce que l'on voudra. Avoir déjà, de son vivant, car c'est bien là le plus important, des témoignages d'amour et d'amitié, de la part de nos anciens élèves par exemple, c'est déjà formidable. Recevoir de son vivant des signes d'"amirosité" comme dit une "amireuse" qui me remercie d'exister, qui se dit heureuse d'avoir croisé mon chemin, c'est cela le paradis. Il n'y en a pas d'autre. Il n'y a que cette vie. Il s'agit d'en faire, à sa mesure, une manière d'oeuvre d'art. Modestement. Ambitieusement.
Merci Michel Debray.
Fred Bourgeade
http://atelierdemicheldebray.e-monsite.com/
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