Lundi 26 janvier
1
26
/01
/Jan
14:40
Madame Dina Vierny est décédée le 20 janvier, à l'âge de 89 ans.
Dina Vierny et Aristide Maillol.
Dina Vierny est née en 1919, dans la province russe de Bessarabie, et est arrivée en France en 1925, avec ses parents, musiciens
juifs, révolutionnaires de 1917, qui ont eu la bonne idée de quitter les terres où s'installait le stalinisme.
De cette très belle jeune fille qui fréquentait les milieux de l'avant-garde on disait qu'elle était un "Maillol" vivant. Et, en 1934, le sculpteur, désireux de la rencontrer lui écrit ces
quelques mots: "Mademoiselle, il paraît que vous ressemblez à un Maillol et à un Renoir, je me contenterai d’un Renoir."
Après quelques hésitations et refus, Dina Vierny finit par rencontrer Maillol, mais ne l'ayant jamais vu, s'adresse d'abord à la barbe blanche la plus digne de l'assistance. C'est la barbe de Van
Dongen... "Et c'est dans un éclat de rire général que je suis entrée dans la vie de Maillol...", racontait-elle avec dans la voix ce rire qu'elle devait encore entendre.
Elle est alors entrée dans la vie de Maillol, et Maillol est entré dans sa vie. Pour une dizaine d'années et pour l'éternité: "On se voyait tout le temps et c’était l’amusement au quotidien",
dira-t-elle plus tard.
Elle pose pour lui pour des séances de trois heures, payées 10 francs de l'heure...
Au début, elle reste habillée, et c'est elle qui va proposer au vieux sculpteur timide de laisser tomber ses vêtements "parce que le nu est plus pur que tout". On peut entendre (un peu) Dina
Vierny raconter cette belle histoire dans l'entretien que la radio en ligne NPR a diffusé le 29 décembre 2008, avec malheureusement une traduction un peu envahissante.
Aristide Maillol, Dina au foulard (1941)
Si ces séances de pose nourrissent substantiellement l'œuvre du sculpteur, qui revient au dessin et à la peinture, il ne faut pas voir
en Dina le modèle potiche idéal à l'intemporel sourire crispé. La jeune femme ne se départit en rien de ce qu'elle est et de ce qu'elle devient. Elle s'engage aux côtés du Front Populaire, avec le
groupe Octobre des frères Prévert, et si le modèle regarde le sol, c'est qu'en posant pour Maillol, elle lit un livre ou repasse ses notes de cours.
Pendant la guerre et l'occupation, sa prise de position est évidente. Un peu trop, puisqu'elle sera arrêtée deux fois et libérée deux fois par l'entremise de Maillol, et sans doute aussi d'Arno
Breker, l'artiste officiel du Troisième Reich, ami de Maillol.
En 1940, à partir de Banyuls-sur-Mer où Maillol s'est réfugié, elle devient la femme à la robe rouge qui conduit, par les chemins de la contrebande, les indésirables qui veulent fuir le territoire
français.
Aristide Maillol, Portrait de Dina (1940).
Après la mort de Maillol, Diana Vierny ouvre une galerie au 36 de la rue Jacob, encouragée par Henri Matisse.
En 1995, cette femme intraitable et irrésistible réalise son grand rêve: l'ouverture d'un musée consacré à l'œuvre de celui qu'elle a toujours appelé "le patron". Dans un hôtel particulier, au 61
rue de Grenelle, elle crée le Musée
Maillol où il fait bon, depuis cette date, aller flâner.
Actuellement, le Musée présente "L'avant-garde russe dans la collection Costakis", ce qui est une bonne occasion d'aller saluer madame Dina
Vierny.
Emprunté à
http://escalbibli.blogspot.com/2009/01/une-femme-modle.html
Autre article
ICI
Par Michel Debray
-
Publié dans : Couleurs
-
0
Derniers Commentaires