Les idéaux et les excréments sont liés, condamnés à se retrouver par la bouffe, le sucre puis, enfin, le chocolat, avec cette scène cultissime où Carole Laure enduit du chocolat comme une
poire belle-hélène, partout sur son corps naguère puceau et laisse entrevoir ses parties intimes aux yeux les plus émoustillés et aux sexes les plus excités. Mais attention, à force de ratisser
large, Sweet Movie est un film qui étouffe aussi. Pour dire vrai, le festin est aussi excitant sur le papier qu'il est écoeurant à l'écran. Ecoeurant dans ses revendications
socialo-politiques martelées. Ecoeurant dans ses sous-entendus transgressifs (la pédophilie, en ligne de mire). Ecoeurant dans ses effets illustratifs, sa mise en scène branlante et son décor
cheap made in John Waters première période (on a parfois l'impression d'être devant Pink Flamingos). Ecoeurant dans sa folie, sa boulimie et sa démesure. Ecoeurant comme si on mangeait à
plusieurs reprises un gâteau bourratif et qu'on nous forçait violemment à en reprendre une part. A la fin, on est obligé de vomir: Sweet movie est un film qui dégueule et qui fait
dégueuler.
Un machin long et polymorphe, indompté et indomptable qui se roule dans sa fange scatologique, qui est si surexcité et révolté qu'il y a forcément dans ce mets sulfureux quelque chose de
salvateur voire cathartique. Il y a un plaisir - pervers - à détruire en bonne et due forme les conventions sociales, à briser les tabous, à revenir à l'état de naissance (la fameuse scène de la
renaissance où, pour anecdote, Carole Laure passe un pénis sur son visage et le frotte charnellement sur ses lèvres); en bref, une certaine joie à suivre ce zigouillage en règle de bienséances
cinématographiques bien avant tout un pan de cinéastes qui ont cherché à faire dans la provocation sans savoir de quoi il en retournait. On dit si souvent que la scatologie est un machin
prépubère pour ados mal dégrossis: il suffit d'y mettre du sens pour comprendre ce qu'elle se sous-tend. En cela, Sweet Movie est le témoignage d'une époque où une création à la fois
subversive et militante était reine, où le didactisme était rayé du vocabulaire, où les moindres tentatives avaient le don sacré d'ébranler la République, l'ordre moral et social.
Lors de sa sortie, le film, outrancièrement outrancier, singulièrement singulier, représentatif d'un certain cinéma des années 70 où le n'importe quoi provoquait une poésie accidentelle et
décousue, fut interdit aux moins de 18 ans. Encore aujourd'hui, il impressionne. On est surpris de découvrir une farce potache et grivoise qui sous son chaos et son bordel absolument pas maîtrisé
parle de déliquescence avec de vrais morceaux de bravoure et donc de cinéma dedans. La liberté qu'il s'est octroyé compte pour beaucoup dans l'attachement qu'on peut lui porter, d'autant qu'on
est sûr aujourd'hui de ne plus la retrouver. En fin de compte, on regarde aujourd'hui ce Sweet Movie, avec plus de nostalgie, d'admiration et de regret que d'amusement.
SOURCE : http://www.dvdrama.com/index4entree.php
Si Carole Laure - que j'adore ! - a toujours dénigré Sweet Movie, la succulente Anna Prucnal n'a jamais regretté d'y avoir participé. Dans la vidéo ci-dessous elle
fait juste remarquer les conséquences désastreuses que le film eut pour elle et pour sa carrière dans sa Pologne natale.
ANNA PRUCNAL - Biographie (Wikipédia)
Son père, chirurgien d'origine paysanne, juif et tzigane, fut assassiné par les Nazis. Sa mère, de grande noblesse, descendante de Stanislas Leszczyński, élève donc seule ses deux filles. Après des études de piano et de chant lyrique, Anna Prucnal commence sa carrière d'actrice au Théâtre Satirique Étudiant (STS), foyer de contestation intellectuelle à Varsovie.
À vingt-deux ans elle débute au cinéma, et devient tout de suite populaire. Arrivée en France à trente ans elle entame une seconde carrière essentiellement théâtrale dont beaucoup de pièces de Bertolt Brecht. Elle travaille avec des metteurs en scène importants comme : Jorge Lavelli, Georges Wilson, Roger Planchon, Jean-Louis Barrault, Marc'O, Petrika Ionesco, Lucian Pintilie, Jacques Lassalle... Elle tourne aussi dans plusieurs films dont « Sweet Movie » de Dusan Makavejev, film qui provoquera son interdiction en Pologne pendant quinze ans.
En 1978 elle commence une nouvelle carrière en tant que chanteuse, son récital Rêve d'Ouest-Rêve d'Est la fait connaître du grand public, d'abord à Paris au Théâtre de la Ville puis en Belgique au Théâtre Jean Vilar à Louvain-la-Neuve, où elle est accompagnée aux pianos par Oswald et Nicole d'Andrea, Mylena d'Andrea dans une direction artistique du belge Marc Lerchs. Ses spectacles font le tour du monde, et elle pourra enfin retourner à Varsovie en 1989... pour célébrer le bicentenaire de la Révolution française.
En 2002, elle a écrit un livre de souvenirs Moi qui suis née à Varsovie.
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