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Jeudi 29 mai 4 29 /05 /Mai 14:39

Balthus (1908-2001), peintre français, qui a privilégié la figure d'adolescentes mystérieuses en flagrant délit d'impudeur ou d'innocence équivoque dans une œuvre à la fois exigeante et assoiffée d'absolu.



Né à Paris au sein d'une famille d'origine polonaise réfugiée en Prusse-Orientale, Balthazar Klossowski de Rola, dit Balthus, est le fils d'Erich Klossowski (critique d'art) et d'Elizabeth Dorothea Spiro, surnommée Baladine (artiste peintre et amie de Rilke après la séparation du couple Klossowski en 1917). Balthus est aussi le frère de l'écrivain et philosophe Pierre Klossowski.

En 1925, au Louvre, Balthus, acharné, copie trois mois durant, Écho et Narcisse de Poussin. Puis, pendant l'été 1926, à l'instar de tous les artistes bien nés, il accomplit son voyage en Italie. Le peintre se nourrit alors de Masaccio, de Masolino et des fresques de l'Histoire de la vraie croix (église San Francesco d'Arezzo) de Piero della Francesca. À la façon de Piero (dont il exécute six copies), il construit fermement ses toiles à partir de diagonales et d'orthogonales, la lumière jouant tout pareillement de la transparence des lointains.



Plus proche de la Nouvelle Objectivité et de la peinture allemande d'un Grosz, d'un Dix ou d'un Beckmann que du surréalisme, Balthus expose cependant pour la première fois en 1934 à la galerie Pierre, la galerie des surréalistes, dont certains ont porté un réel intérêt à son œuvre. Il y présente notamment la Toilette de Cathy (1933, musée national d'Art moderne, Centre Georges-Pompidou, Paris), Alice (Alice dans le miroir, 1933, id.) et la Leçon de guitare (1934, collection particulière). Si l'exposition fait scandale, elle suscite l'admiration de la vicomtesse de Noailles, de Pierre Jean Jouve et aussi d'Antonin Artaud dont il réalise, l'année suivante, les décors et les costumes de la pièce les Cenci.


Toujours dans les années 1930, la Montagne (1937, The Metropolitan Museum of Art, New York) se réfère de façon manifeste à Courbet et aux Demoiselles de village : même paysage de paroi rocheuse érodée et mêmes personnages familiers au peintre. Tout comme son ami Alberto Giacometti, Balthus enregistre les leçons de la nature à travers le prisme d'une vision singulière qui sait capter les atmosphères troublées.


Jusqu'en 1943, Balthus alterne scènes de la vie quotidienne, paysages et portraits : il a notamment peint un admirable Derain, très en retrait de lui-même (1936, collection particulière), un Joan Miró et sa fille Dolorès (1937-1938, The Museum of Modern Art, New York ; le visage du peintre étant perdu dans un énigmatique ennui), le portrait d'Antoinette de Watteville, qu'il a épousée le 2 avril 1937 (Femme à la ceinture bleue, 1937, musée de Picardie, Amiens) ainsi qu'un autoportrait (1940, collection particulière).


Dès lors, les scènes d'intérieur se multiplient, nimbées de ce suspens qui donne aux toiles leur caractère immuable. De mystérieux jeux s'y déroulent : des adolescents s'adonnent à la rêverie ou à la lecture (les Enfants Blanchard, 1937, musée Picasso, Paris), jouent aux cartes (la Partie de cartes, 1948-1950, fondation Thyssen-Bornemisza, Madrid), sont mis en scène un miroir à la main (les Beaux Jours, 1944-1946, Smithsonian Institution, Washington) ou en présence d'un chat, compagnon et témoin tantôt ironique tantôt satanique de ces créatures oniriques en quête d'elles-mêmes, à l'orée de la puberté (Nu au chat, 1948-1950, National Gallery of Victoria, Melbourne ; la Semaine des quatre jeudis, 1949, Vassar College, Poughkeepsie ; la Chambre, 1952-1954, collection particulière ; la Patience, 1954-1955, collection particulière), et que le peintre semble surprendre en état d'indolence rêveuse, d'alanguissement ou d'extase. Qu'elles soient habillées ou dévêtues, les jeunes filles laissent toujours transparaître un « je ne sais quoi » d'érotisme et de langueur fiévreuse.



En 1961, Balthus est nommé directeur de l'Académie de France à Rome par le ministre de la Culture André Malraux. Il engage de nombreux travaux de restauration dans les bâtiments et les jardins de la villa qu'il marque, jusqu'en 1977, de son empreinte, se prêtant volontiers à de longues conversations avec les jeunes pensionnaires. Durant son séjour en Italie et son installation à proximité de Rome, à Monte Calvello, Balthus se lie notamment avec le cinéaste Federico Fellini et le peintre Renato Guttuso.



Envoyé par Malraux en mission officielle au Japon en 1962, il s'intéresse de plus en plus à l'art d'Extrême-Orient, épouse en 1967 une jeune peintre japonaise, Setsuko Ideta, héroïne de la Chambre turque (1963-1966, musée national d'Art moderne, Centre Georges-Pompidou, Paris) qui donnera naissance en 1973 à leur fille Harumi.



En 1983, le musée national d'Art moderne de Paris organise une rétrospective pour laquelle Balthus fait son autoportrait, mais de dos, une façon bien personnelle de préserver cette aura de mystère dont il ne cesse de s'entourer (le Peintre et son modèle, 1980-1981, musée national d'Art moderne, Centre Georges-Pompidou, Paris).



Balthus s'éteint, à l'âge de quatre-vingt-douze ans, le 18 février 2001, dans son chalet de Rossinière (canton de Vaud, Suisse), où il vit depuis 1977,
laissant inachevée sa dernière toile, Jeune fille à la mandoline (2000-2001, collection particulière). Ce tableau est dévoilé au public lors de l'exposition — soutenue activement par l'industriel et ami de Balthus, Giovanni Agnelli — que Venise consacre au maître, rétrospective féerique et grandiose comportant plus de 250 œuvres.

Info: www.encarta.fr

Si Balthus n'a pas peint que ses adolescentes hiératiques ou languides faisant naître un vrai trouble chez le spectateur, lié à la jeunesse et à l'innocente perversité de ses Lolitas, il est certain que c'est par elles qui demeurera dans l'histoire de l'art. Balthus ne peint pas que des personnages, il rend aussi une ambiance faite de solitude peuplée de fantasmes flous, de luxe austère - avec lui, les oxymores viennent tout naturellement - de jeunesse laissant filtrer la finitude de la beauté.
Les jeunes filles sont chastes et impudiques, mais sans aucune ostentation. Elles évoquent le péché qui mène tout droit aux amours interdits et aux destins tragiques.

Balthus me fascine aussi c'est par l'extrême sérénité de sa vieillesse. Entouré de femmes et de jeunes filles, dans une magnifique demeure, il continue à peindre malgré sa faiblesse. Mais le visage décharné conserve un regard acéré sur la beauté. Comment ne pas envier une telle fin ?

Par Michel Debray - Publié dans : Couleurs - Communauté : Arts érotiques
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