Le blog de Michel Debray

A la veille de l'ouverture de l'exposition consacrée aux photographies de Larry Clark au Musée d'art moderne de la ville de Paris, Libération dénonçait, jeudi 7 octobre, l'initiative "spectaculaire et disproportionnée" de la Mairie de Paris, qui a interdit l'exposition aux moins de 18 ans. Cette décision avait été révélée par Le Monde le 17 septembre.

    Larry Clark s'est dit "choqué et surpris" par la décision de la Mairie de Paris.    

Choisissant une photo de Clark légèrement teintée d'érotisme pour illustrer sa première page, Libération a pris parti de façon particulièrement virulente contre cette décision qu'elle qualifie de "sans précédent". "Les films de Larry Clark (Kids, Bully, Ken Park) ont été projetés en salles sans jamais avoir été classés X et (...) ses photographies ont déjà été montrées à plusieurs reprises à Paris. Pourquoi, dès lors, ne pas avoir préconisé le dispositif désormais classique de l'avertissement à l'entrée de l'exposition, comme ce fut le cas au centre Pompidou en octobre 2001 pour l'exposition des photographies de Nan Goldin ?" s'interroge le journal.

"Au nom de la loi et des mœurs, Larry Clark ne devra donc pas être vu par ceux à qui il s'adresse : les filles et les garçons de moins de 18 ans", souligne le quotidien.

 

 EVITER L'INTERDICTION JUDICIAIRE

La riposte de la Mairie de Paris, signée par Bertrand Delanoë, n'a pas tardé. Le maire de la capitale assume : "Il est de notre devoir de responsables publics d'éviter à la fois un risque d'interdiction judiciaire de l'exposition (sur tout ou partie des œuvres) ou un risque pénal pour le conservateur du musée ainsi que pour les commissaires", indique un communiqué de la Mairie mis en ligne hier. "En effet, certains des clichés de cette exposition ne sauraient être montrés à un public mineur sans tomber sous le coup de la loi".

L'article en question, L. 227-24 du Code pénal, définit comme un délit "le fait, soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur".

Lors d'un débat enregistré pour le site Arrêt sur images et mis en ligne le 1er octobre, l'adjoint au maire de Paris chargé de la culture Christophe Girard précise qu'il "désapprouve le contenu de la loi" qui l'a amené à prendre cette décision, et indique qu'il aurait souhaité que l'exposition puisse être visible à partir de 16 ans. En dessous de cet âge, les enfants auraient eu l'obligation d'être accompagnés par un parent ou un enseignant.

 "UN SIGNAL RÉGRESSIF ET RÉTROGRADE"

Côté politique, les réactions face à cette décision sont plutôt perplexes. Dénonçant "l'autocensure" et "l'intériorisation de la répression", les Verts ont adressé une lettre ouverte à Bertrand Delanoë dès le 22 septembre pour faire part de leur "vive inquiétude". La présidente PS de la région Poitou-Charentes Ségolène Royal a estimé sur LCI "qu'un avertissement aurait suffi". A droite, le député UMP des Yvelines Etienne Pinte, qui, s'exprimait sur Canal +, a trouvé "regrettable qu'aujourd'hui les adolescents ne puissent pas aller voir cette exposition de photos". La sexualité fait partie du monde de l'adolescence "aujourd'hui plus qu'hier, c'est évident", a-t-il ajouté.

Dans une lettre à Bertrand Delanoë et à Fabrice Hergott, le directeur du Musée d'art moderne (MAM), l'Observatoire de la liberté de création, rassemblant la Ligue des droits de l'Homme, la Ligue de l'enseignement et diverses associations d'artistes (plasticiens, réalisateurs...) évoquent "une décision bien regrettable", "un signal régressif et rétrograde" et leur demandent de revenir sur leur choix. A l'instar de Libération, quelques journaux se sont également prononcés contre cette interdiction, un journaliste de France-Soir y voyant même "la confirmation d'une tendance lourde depuis une quinzaine d'années", "le lent mais solide noyautage du monde de l'art par le 'politiquement correct'".

Dans Le Monde, le directeur du MAM Fabrice Hergott justifie cette décision par "l'époque qui a changé". De fait, il est certain que l'enthousiasme du monde de l'art contemporain a été quelque peu douché par l'affaire "Présumés innocents", que la plupart des journaux n'ont pas manqué de mentionner ces derniers jours. "Présumés innocents" est le nom d'une exposition consacrée à l'art contemporain et à l'enfant, organisée à Bordeaux en 2000 et dont l'épilogue judiciaire est toujours attendu.

Depuis dix ans, l'ancien directeur du CAPC-musée d'art contemporain de Bordeaux, Henry Claude Cousseau, et les deux commissaires de l'exposition, Marie-Laure Bernadac et Stéphanie Moisdon, sont poursuivis en justice par La Mouette, une association de défense et de protection de l'enfance. Accusés d'avoir présenté des œuvres à caractère pornographique, ils ont bénéficié d'un non-lieu en correctionnelle en 2009, mais l'association s'est pourvue en cassation. "Effectivement, l'affaire Cousseau a dégradé l'ambiance", déplore Sébastien Gokalp, commissaire du MAM et de l'exposition Clark. "On a pris conscience que l'époque (...) est devenue plus puritaine".

 

"UN SPECTATEUR INTELLIGENT SAURA TRANCHER"

Stéphanie Moisdon s'est exprimée dans une tribune au Monde, le 24 septembre, sur le cas de l'exposition Clark. "Soit une image est pédophile, soit elle ne l'est pas", insiste-t-elle. "Un spectateur intelligent saura trancher."

Elle s'érige contre "une nouvelle forme de censure masquée, plus pernicieuse, celle qui consiste, dans l'ombre, à reformater les mentalités et les espaces publics, à multiplier les dispositifs de prévention ou de précaution, relevant d'une autocensure généralisée". "Le 'public' tant convoité, démembré arbitrairement en catégories sociales et tranches d'âges, appréhende les territoires de l'art dans ce climat de suspicion, éduqué à se garantir des conséquences traumatiques d'une expérience de l'art qui serait non désirée, non protégée."

Quant à Larry Clark, il s'est dit, dans un entretien au Monde publié le 2 octobre, "choqué et surpris" par la décision de la Mairie de Paris. "Cette censure est une attaque des adultes contre les adolescents. C'est une façon de leur dire : retournez dans votre chambre ; allez plutôt regarder toute cette merde sur Internet. Mais nous ne voulons pas que vous alliez dans un musée voir de l'art qui parle de vous, de ce qui vous arrive."

 

LeMonde.fr

 

 

http://www.erog.fr/recherche/recherche-blog.php?ref=1304549&query=Anasthasie

 

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Ven 8 oct 2010 1 commentaire

Autrement dit :

Le MAM s'autocensure pour s'éviter d'^tre assigné au banc des accusés de quelques serviles et obcurs coadjuteurs de justice de notre MAM nationale ?

C'est à se tordre de rire...

Parce qu'il n'y aurait eu qu'à la renvoyer à ses "chères études de la Loi" en l'assignant elle-même, pour son infraction permanente d'une loi jamais abrogée : celle de l'interdiction pour une femme de porter un pantalon en public... Elle que, de mémoire l'on aura rarement (sinon jamais) vue porter un tailleur-jupe dans l'exercice de ses missions ministérielles...

Ce serait amusant , non ?

pateric - le 18/10/2010 à 15h50