Le blog de Michel Debray
Conçu au départ comme un hommage aux célèbres SEINS de Ramon Gomez de la Serna, ces textes publiés au Seuil en 1999 et traduits de l'espagnol par Gabriel
Iaculli, forment un livre insolite et inclassable qui ne manquera pas de susciter des adhésions jubiliatoires et des condamnations féroces.
Il s'agit, à proprement parler, de ce splendide exercice de style inauguré lors de la Renaissance française, consistant à vanter, chanter et louanger les différents attributs ou "blasons" du
corps féminin.
Ici, Juan Manuel de Prada nous offre cinquante-huit bijoux littéraires et souvent ironiques autour du sexe féminin.
"LE CON DES VIERGES"
"Le con des vierges s'ennuie lamentablement, comme les princesses de Rubén Dario. Le con des vierges, encerclé par la chasteté et les préjugés, trompe l'ennui en fréquentant le bidet pour se défaire d'une saleté inexistante, comme le tire-au-flanc bâille de fatigue fictive. Le con des vierges, en sus de transpirer l'ennui, est un con aigri par la discipline rigoureuse à laquelle le soumet sa maîtresse, discipline faite d'ablutions, de bains et de masturbations spectrales obéissant à la formule: regardez sans toucher. Mais la pire chose que doit subir le con des vierges, ce sont les lectures auxquelles elles s'adonnent à leurs moments perdus, qui sont aussi, pour elles, les plus nombreux. Jadis, au temps de la guerre franco-allemande, ou à peu près, les vierges qui avaient un fiancé en première ligne lisaient des poèmes de Sully Prudhomme ou d'Émile Verhaeren, qui sont des poètes de grande envergure, nourrissants à satiété, et elles se permettaient même de petites incursions dans les soupirs de Marceline Desbordes-Valmore, poétesse qui attendrit les cœurs et les hymens. Mais aujourd'hui, en ces temps post-modernes et troublés, les vierges ne se contentent plus de ces lectures romantiques, elles se procurent plutôt, après avoir consulté les suppléments littéraires des journaux, le roman dernier cri, véritablement mortifiant pour les cons qui se meurent parmi les bâillements (les bâillements muets de leur bouche fermée) et regrettent le temps des vierges bien intentionnées - qui, il est vrai, sentaient du con -, ces lectrices de sonnets extravagants qui jouaient de la harpe en pressant la caisse de résonance sur leur entrecuisse et regardaient par la fenêtre tomber la pluie tout en se masturbant, main enfouie sous la jupe, dans les flots des cotillons et des culottes. Les vierges d'aujourd'hui, moins analphabètes que celles du passé, lisent des œuvres prétentieuses, des romans vidés de leur sang, et elles ne jouent de rien, pas même du tambourin. Les vierges d'aujourd'hui écoutent de la musique new age, qui leur recoud le con. Comme s'il n'était pas suffisamment recousu, le pauvre, par cette virginité si docte ! "
J.M. de P.