Le blog de Michel Debray

LE NOMBRIL

Centre de gravité du corps, il partage avec les lombes le privilège de servir de frontière entre les parties hautes, nobles, spirituelles et les zones basses, honteuses et excrémentielles. Cicatrice primitive, l'ombilic est un petit joyau qu'un praticien pressé peut avoir mutilé à jamais dès les premières minutes de la vie. Un nombril convexe, boudiné, tire-bouchonné, torché comme un petit étron rosâtre est une insulte à la beauté. Le nombril, comme le pavillon de l'oreille, comme la fine floraison des nymphes doit être délicatement ourlé au creux d'un écrin de préférence ogival. Le contact ombilical peut être extrêmement excitant ou au contraire douloureusement pervers. L'endroit est sensible. Il fut, lors de la vie utérine, l'équivalent de la bouche et de l'anus et de bien plus encore. Qui sait ce qu'il charria de sang, de nutriments, de poisons, de sentiments, d'espoirs et de peurs, d'énergie et de mort ? L'ombilic est un volcan éteint. Mais il n'a rien oublié de ce qu'il fut. On aura soin de ne point le solliciter directement mais d'exciter d'abord son antipode, au creux des reins. Là, la pilosité est duveteuse, infiniment douce. Les attouchements et les baisers doivent être d'une extrême délicatesse. Le massage en surface de l'admirable cambrure assouplira tout le corps, détendra les muscles, dissipera les contractures dues au stress. Alors, précieusement retourné, le corps posé sur le dos pourra recevoir l'hommage au nombril. La langue, ici, joue une partition rare et difficile. Nulle insistance déplacée, nulle gaucherie malsaine : il est plus difficile de faire vibrer un ombilic que de faire chanter un clitoris qui, en dépit de toute une mauvaise littérature, est un petit organe charmant, dévoué, sans problème et presque toujours prêt à rendre service.

Ecrit le 23 Avril 1995,
jour du premier tour de l'élection présidentielle, dont, avec votre permission, je me branle...
Par Francis Eponge - (Pcc : Michel Debray)


Mar 15 avr 2008 Aucun commentaire